OpenDesk et la chaise Roxanne de Pierrick Faure
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Chaise Roxanne. Conçue par Pierrick Faure en 2014, la chaise Roxanne est le fruit d'une résidence au sein de La Nouvelle Fabrique et est distribuée par OpenDesk.
Distribution partagée
OpenDesk est une maison d'édition de mobilier basée à Londres. Elle travaille avec des designers indépendants, qui conçoivent des plans qui sont ensuite partagés à des fabriques locales pour la livraison. Son infrastructure décentralisée permet d'allier une distribution internationale avec une production locale et à la commande.
Cette initiative est née des principes de l'Open Design, où les plans et le processus de fabrication des objets sont partageables et accessibles à la manière des logiciels Open Source. Depuis 2020 cependant, le partage des plans au public a été fermé.
Les clients d'OpenDesk sont des entreprises et associations cherchant à meubler leurs bureaux. Les premiers pouvant demander une livraison du produit assemblé et fini, là où les seconds préféraient recevoir les plaques de contreplaquées prédécoupées.
Communication
La communication commerciale d'OpenDesk se divise en 3 parties : des mises en situation photographiques dans de grands bureaux urbains, des expositions de la fabrication dans des ateliers, et des vues axionométriques animées.
Mises en situation

Bien qu'il revient au client de voir s'il souhaite finir son mobilier avec des vernis ou des laminations sur les surfaces, le catalogue OpenDesk affiche ses meubles nus. Dans des bureaux ripolinés, le contreplaqué de bouleau se fond sans peine et laisse à voir les formes franches du mobilier aux champs marqués par les plis de contreplaqué.
Exposition de la production
Dans la revendication de son modèle productif, OpenDesk met en scène des composants de la fabrication de ses produits en affichant la localisation de ses clients, ainsi que des interviews des producteurs partenaires au quatre coins du monde.

En exposition à des salons, les chutes sont mises en scène avec les objets qui en sont issues. Comme seraient mis en valeurs des négatifs, les planches de taille standard montrent aussi une esthétique dans l'arrangement des contreformes qui les composent. Du plan à l'assemblage volumique, la nature du processus de fabrication fait partie du storytelling de la société.
Vues axionométriques

Ces visuels, parfois animés, montrent une vue idéale des mobiliers et leur modularité. Exempts de tous détails matériels, ils affichent le concept ludique de la conception paramétrique. Si seules les tables montrent une capacité d'ajustement de leurs dimensions, cela déplace le designer dans une position de concepteur de règles, et le client ou l'éditeur peut ajuster des variables indépendamment.
Paradigme du plan & monoprocess
À des fins d'uniformisation de la production, la contrainte de conception de chacun des objets doit suivre des principes stricts :
- s'inscrire dans des panneaux de contreplaqué de 18mm 2440x1220mm
- ne nécessiter l'usage que d'une fraiseuse numérique
- limiter l'usage de visserie, privilégier l'assemblage en tenons, collage et enchevêtrements
Issues de plans, les pièces -avant assemblage- sont ausi stockables ainsi. C'est également un moyen d'optimiser le stockage
Design de genre
De ces principes émergent une gamme de mobilier mettant en oeuvre différentes solutions pour obtenir des produits robustes. Cela induit également des marqueurs stylistiques très forts. La production peut alors être considérée comme du design de genre comme l'évoquent J.Aussange et P.Faure:1 l'Open Design dégage une esthétique issue d'ingénieurs, bricoleurs, artistes ayant un attrait pour la fabrication ainsi que les systèmes d'assemblage.
Système d'assemblage : complimenter le genre

La découpe à la fraiseuse à commande numérique ne produit pas des pièces prêtes à l'usage. Les pièces découpées doivent rester solidaires à la plaque afin de ne pas se retrouver à voler à travers l'atelier. Il convient alors de couper manuellement des petites encoches, comme si l'on avait affaire à une grille de pièces en plastique inejcté.

La fraise étant ronde, la découpe de mortaises droite est impossible sans un travail au ciseau supplémentaire. Une autre manière de répondre à cette problématique est le creusage des angles pour ne pas faire obstacle aux tenons. La stabilité des assemblages enchevêtrés est alors permise par les tolérances des bords droits en contact et l'ajout de colle.
Ces creux volontaires ne sont pas masqués et constituent, comme le contraste entre les face et les champs dans les assemblages, des marqueurs esthétiques revendiqués.
La proposition de Pierrick Faure comme acte de design
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On peut constater dans le travail de l'assise et du dossier une attention particulière à l'ergonomie, où la rectilinéarité du médium et du principe de fabrication sont contournés. Le dossier est assemblé à un angle permettant un plus grand confort du dos. L'assise, quant à elle, est scindée en deux morceaux fixés en angle afin de former un creux en son centre. Cette solution favorise également le confort et renvoie une image de confort plus proche de canons du design aux assises cintrées, elles aussi en contreplaqué.
En comparant les autres chaises & tabourets proposés par OpenDesk, toutes les autres assises sont plates, à l'exception de la Valovi, qui fait le choix d'un assemblage de strates pour approximer des courbes plus arrondies en faisant s'assoir sur le champ du contreplaqué.
Quid du modèle économique ?
OpenDesk en tant que société a muté en 2020 d'une startup reposant sur les principes de l'open source à un réseau fermé de fabricants "de confiance" qui ont l'exclusivité de l'exploitation des plans. D'agrégateur de designers et d'ateliers décentralisés, le modèle s'est en quelque sorte figé.
Les informations ne sont pas claires sur le fonctionnement des rémunérations avant la fermeture du téléchargement libre des plans. Il semblerait, dans une approche open que les designers étaient rétribués avec de la visibilité dans les cas où les téléchargements étaient gratuits. Mais un système de mise en relation avec un atelier était déjà mis en place, avec un paiement à travers OpenDesk.
OpenDesk, fidèle à son fonctionnement de startup, a surfé sur des crowdfundings, et des partenariats avec des sociétés commandant un aménagement complet de leurs bureaux. Rien n'indique une rémunération ou un achat de droits auprès des designers. En contrepartie, le mobilier n'est pas soumis à une clause d'exclusivité.
Depuis 2020, OpenDesk ne travaille qu'avec des producteurs licenciés, qui sont rémunérés à travers l'achat réalisé sur le site de l'éditeur. Cela permet d'avoir une partie de ce prix redistribuée au designer sous forme de royalties, en plus de coûts de fonctionnement de la plateforme. Des services supplémentaires ont été mis en place, comme la possibilité de modifier sur mesure certains plans. Ces options permettent de multiplier les sources des revenus.
Conclusion sur le modèle économique de l'open hardware
Assez comparable aux modèles de développement de logiciels open source, les plans des produits sont effectivement mis à disposition. Mais, pour maintenir la viabilité financière des éditeurs ou des créateurs dans un objectif de rentabilité, des options de confort et d'adaptation semblent incontournables pour générer un revenu, ne serait-ce que de subsistance.
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Comprendre "genre" comme dans "cinéma de genre", aux codes identifiés, dans J. Aussange et P. Faure, « Open Design », in Objectiver, La Cité du design., p. 91. ↩